on December 9, 2025 at 2:00 pm at Visioconférence
L’informatique considère qu’une erreur est présente lorsque le système sort de ce qu’il est supposé faire. L’erreur est définie par rapport aux spécifications de l’outil, aux cas d’usages imaginés dans son design. Cette approche hiérarchise les problèmes que peut rencontrer l’utilisateur·ice : les incidents entrant en conflit avec les ambitions de conception auront généralement davantage de chances d’être traités. En parallèle, certains problèmes utilisateurs en Interaction Humain-Machine (IHM) sont étudiés, non comme des erreurs, mais en tant que perturbations, gènes ou déclencheurs de frustrations. Ces types d’incidents investissent un espace intermédiaire dans les catégorisations habituelles ; ils sont problématiques sans être des erreurs nommées comme telles. Cette thèse explore la notion d’erreur en IHM et en propose une nouvelle définition centrée sur l’expérience des utilisateurs et utilisatrices. Avec ce changement de perspective, l’utilisateur devient la référence à partir de laquelle l’erreur est évaluée. Tout d’abord, j’apporte une analyse de ce concept en IHM et dans les domaines dont elle a hérité. Le mot est étudié sémantiquement, d’abord à travers l’analyse de ses synonymes dans la langue commune, ensuite dans son usage observé dans le champ de recherche. Je présente et distingue les différentes approches du concept dans les systèmes critiques, en ingénierie de la sécurité et en IHM, à la fois en tant que sujet et méthode de recherche. Je me penche également sur l’écart existant entre ce que ces modèles recouvrent et le vécu dans l’utilisation. J’introduis en conséquence une nouvelle définition de l’erreur comme un écart par rapport aux attentes de l’utilisateur·ice. Cet angle d’étude permet de mettre la focale sur le vécu de la personne qui fait face à l’erreur : ses émotions, ses répercussions subies, son attribution de blâme dans l’incident. Cette définition se veut couvrir tous les phénomènes présentant un problème aux utilisateurs et utilisatrices. Les événements négatifs vécus par les individus sur leurs interfaces sont catégorisés et approfondis par des études sur les utilisateur·ices. Des workshops sont conduits avec des groupes de différentes populations et permettent un enrichissement d’une taxonomie de l’erreur ainsi qu’une analyse du discours associé. Ces résultats sont ensuite mobilisés pour déployer un questionnaire en ligne, permettant de recueillir des informations sur un plus large nombre de personnes, révélant des tendances significatives basées sur les données démographiques ou l’expérience des utilisateur·ices, mais aussi sur le type d’erreur. Enfin, dans le cadre d’une expérience contrôlée, nous explorons le designspace des solutions au problème spécifique des interférences d’interaction. Ce phénomène peut être caractérisé comme une erreur, du point de vue de l’expérience utilisateur seulement : il peut se produire même lorsque tous les composants de la boucle d’interaction se comportent comme prévu, et présente une combinaison intéressante de frustration généralement élevée et de faibles conséquences. Ces différentes études soulignent la pertinence d’une nouvelle approche de l’erreur du point de vue de l’utilisateur·ice, ouvrant des discussions sur l’évaluation de la criticité des incidents, les méthodes mobilisées dans cette évaluation, ainsi que sur la diversité et la complexité des désagréments possibles sur nos interfaces. Ce travail propose également des recommandations et des pistes pour les futurs travaux visant à résoudre ces problèmes, en tenant compte de l’expérience utilisateur dans l’étude et la gestion des erreurs. Cette thèse défend l’expérience utilisateur comme point de départ pour identifier et corriger les erreurs d’interaction.
M. Stéphane HUOT Inria Directeur de thèse, M. Carl GUTWIN University of Saskatchewan Rapporteur, Mme Catherine LETONDAL Ecole Nationale de l’Aviation Civile (ENAC) Rapporteure, M. Mathieu NANCEL Inria Co-encadrant de thèse, M. Philippe PALANQUE Université de Toulouse Examinateur, M. Duncan BRUMBY University College London Examinateur, Mme Anne ETIEN Université de Lille Examinatrice.